Entre 1999 et 2006, j'ai participé au développement d'un outil de séquencement utilisé en entrée des ateliers pour optimiser l'engagement des véhicules. J'ai généralisé cet outil à la construction de la LUO. Et, enfin, j'ai proposé une méthode permettant de prévenir les risques d'appel à des opérateurs supplémentaires lorsque les pics de charges sont mal répartis. Cependant, en 2016, les conditions ont changé et la construction de la LUO ne s'effectue plus de la même manière.

En 2006, la LUO était construite plusieurs jours à l'avance en utilisant des outils issus du Car Sequencing Problem (Problème de séquencement des véhicules) afin de :

  • garantir une consommation régulière des pièces à assembler dans l'atelier ferrage et montage,
  • minimiser le nombre de purges du réseau de peinture dans l'atelier peinture,
  • minimiser les impacts des pics de charge dans l'atelier montage,
  • optimiser l'utilisation des machines outils et des robots spécialisés au ferrage.

Or, depuis 2006, les constructeurs cherchent à simplifier la construction de la LUO pour garantir son respect, supprimer les stocks inter-ateliers, réduire la taille des stocks de pièces, sécuriser le dimensionnement des moyens de production et optimiser les coûts de production.

En standardisant au maximum les pièces les plus utilisées, la consommation de ces dernières devient régulière quelque soit l'engagement des véhicules. Les pièces spécifiques à chaque commande (tableau de bord, siège, porte, ...) sont externalisées. La livraison des pièces doit alors s'effectuer dans un ordre très précis. Au salon de l'industrie 2016 à Paris, les progrès en peinture laissent supposer que la purge des réseaux de peinture tendra à disparaître. En découpant l'atelier montage en petite unité autonome, les industriels font le pari que l'auto-organisation de ces unités tendra à faire disparaître les pics de charge. Les méthodes et les outils d'équilibrage de charge ne sont pas très développés et l'empirisme domine. Enfin, avec des machines outils et des robots de plus en plus polyvalents, leur utilisation est de plus en plus lissée et permet d'anticiper leur maintenance et leur taux d'utilisation.

La LUO, avec un respect à la journée, est facile à obtenir. Elle permet de garantir une date de livraison fiable aux clients. Cependant, la respecter à 100% nécessite de faire disparaître toutes les sources d'aléas sur une ligne de production. Pour y parvenir, les questions que nous devons nous poser sont :

  • Est-il possible de supprimer tous les aléas ? Le Lean Management apporte des réponses à cette question. Il travaille sur les sources possibles des aléas et sur la mise en place de plan d'actions visant à les réduire au maximum.
  • Dans quelle mesure le respect d'une LUO à 100 % assure un retour sur investissement intéressant ? Pour respecter une LUO à 100%, PSA ou Renault ont investi des sommes importantes. Cependant, ne serait-il pas plus intéressant d'avoir une LUO respectée à 90% et d'exploiter la flexibilité disponible dans une usine pour créer de la valeur ajoutée en augmentant la qualité des produits et en impliquant d'avantage les acteurs dans l'augmentation de la productivité ?
  • Quelles sont les conséquences sur la qualité des véhicules, le pilotage de la ligne de production et tous les acteurs en cas de non respect ? Quel est le risque d'avoir l'effet papillon ? Respecter une LUO à 100% mobilise toute la chaîne logistique (acteurs internes et externes à l'entreprise). Cela nécessite d'impliquer les fournisseurs dans ce processus en les intégrant au système d'information de l'entreprise. Les fournisseurs doivent alors mettre à disposition les pièces demandées dans un ordre bien précis à une date, voire une heure, précise. L'objectif est de ne pas stocker la pièce et de la mettre à disposition de l'atelier montage au moment exact de son assemblage. L'externalisation de la fabrication de certaines pièces échappe au contrôle de l'usine. Par conséquent, si un fournisseur rencontre un problème, si une livraison n'arrive à l'heure demandée, quels sont les coûts engendrés sur la ligne de production ?

Une LUO 100% rigidifie la chaîne logistique et impose des contraintes de plus en plus fortes aux fournisseurs. La flexibilité intrinsèque à l'organisation, présente dans les ressources humaines, les stocks et les données prévisionnelles, doit disparaître au profit d'un lissage des consommations et des charges de plus en plus adapté aux variations commerciales...